Mention spéciale du jury Prix Jeunes metteurs en scène du Théâtre 13 - 2021
Jeff Bezos et Amazon sont en mission. Une mission dont les contours sont mystérieux, mais qui englobe la robotique, les outils de machine Learning, l’intelligence artificielle et la conquête de l’espace. La création d’un monde nouveau en somme, empreint de l’imaginaire libertarien américain. Jeff Bezos ne cache pas ses ambitions. Il prône l’audace face au risque de stagnation. Il oppose la stase à la croissance. Un raisonnement froid, glacial issu de l’univers triste rempli de calculs et de données compilées sur nos existences. La promesse est un monde boursouflé de technologies ludiques et fascinantes promettant la nouveauté renouvelée sans cesse. Un monde de surveillance aussi, pour apprendre davantage de nous et pour faire le Bien.
Travailler sur Jeff Bezos et Amazon ouvre un réseau de galeries infini et tentaculaire. Il faut donc faire des choix. Nous prenons le parti d’en rire. Du sourire au grincement de dent. La richesse de Jeff vient de notre mode de vie, de notre docilité et de notre fascination pour le monde des marchandises. Son génie réside dans son idée de réduire au maximum le temps entre la naissance d’une pulsion consumériste et sa satisfaction concrète. Nous poser en victimes est simpliste, « Je ne suis pas responsable de ta paresse, je ne suis pas responsable de ton renoncement, Je n’ai pas ouvert la brèche : j’exploite la faille » (extrait du texte) et il faut questionner les responsabilités individuelles et collectives.
Dans un monde où nous sommes, à des dégrés différents, prolétarisés, Jeff est le surnageant, le techno-prophète qui va tous nous sauver.
J’aurais voulu être Jeff Bezos est certes un titre sarcastique, mais il reflète aussi une soif qui sommeille en nous de réussite totale, d’ambition démesurée, d’hubris déchaînée, un désir de monstruosité. Un paradoxe finalement. Un choix aussi. Celui de devenir des tumeurs cherchant l’immortalité ou de rester dans l’immuable beauté des cellules souches.